Hypnose et gérontologie

Marie Floccia est médecin gériatre et algologue, praticien hospitalier au CHU de Bordeaux. Elle intervient aux Urgences du CHU et en consultations douleurs chroniques/personnes âgées. Formée à l’hypnose médicale de Bordeaux, elle enseigne l’hypnose ericksonienne et ses applications en gériatrie au DIU d’Hypnose médicale de Bordeaux et dans des formations médicales et paramédicales.

1. Que peut apporter l’hypnose à la gériatrie ?

Pendant longtemps il était dit que l’hypnose médicale et thérapeutique n’était pas utilisable en gériatrie. Mais la pratique quotidienne de nombreux soignants travaillant auprès des personnes âgées démontre depuis quelques années les vastes possibilités de l’hypnose dans cette population. En s’appuyant sur l’une des bases fondamentales de l’hypnose ericksonienne (issue de la pratique de M.H. Erickson) qui est de s’adapter au patient et d’utiliser ce qu’il apporte, il est possible de proposer aux patients, quel que soit leur âge ou la présence de troubles neurocognitifs, des traitements par hypnose. Cette pratique qui s’appuie sur des bases neuroscientifiques et des publications validant certaines indications (en particulier la prise en charge de la douleur) trouve toute sa place en complémentarité des traitements habituels.
Elle permet de limiter le recours aux thérapeutiques médicamenteuses et à leurs nombreux effets indésirables, tout en ayant une approche plus complète, plus humaine et moins technique de la personne. Ainsi, l’hypnose médicale et thérapeutique apparaît-elle comme une évidente continuité, voire nécessité, à la prise en charge gériatrique.

2. Toutes les personnes âgées peuvent-elles être soignées par l’hypnose ? Quel est leur degré de disponibilité par rapport aux autres patients ?

La suggestibilité à l’hypnose n’est pas la même chez tout le monde, mais la majorité des personnes est accessible à l’état hypnotique et cela, quel que soit l’âge. Une étude récente a même montré qu’en vieillissant il existait une augmentation de la suggestibilité à l’hypnose (Parris et al, Front. Psychol.,  2016). Si les troubles attentionnels et les pathologies, principalement les troubles neurocognitifs majeurs, semblent être un frein, il n’en est rien. En modifiant les techniques d’hypnose et en s’adaptant au patient, ceux-ci peuvent parfaitement bénéficier de séances, bien que celles-ci puissent être un peu différentes des séances habituelles faites à des patients n’ayant pas de troubles neurocognitifs : le temps est plus court, la séance se fera en marchant ou en discutant, de nombreuses techniques seront faites en même temps etc.

extrait de l'interview Mireille Guillou (institut Français d'Hypnose)

Vous travaillez plus particulièrement avec une population de personnes âgées qui est souvent réputée pour être plus difficilement hypnotisable. Du fait de votre expérience en la matière, que pouvez-vous en dire ?

Si vous vous promenez au milieu de personnes âgées institutionnalisées, vous pouvez vous rendre compte que la majorité d’entre elles, bien que présente physiquement, semble abstente mentalement, comme ailleurs. Les regards sont tournés vers une interiorité. Et parfois pour les rencontrer il est nécéssaire d’aller les rechercher là où elles sont, il peut même être nécéssaire d’insister… Cela ressemble bien à une présence/absente, à une dissociation… un état en rapport avec l’hypnose. Ainsi, si les personnes âgées répondent moins bien aux échelles de suggestibilité, elles peuvent néanmoins entrer dans un état de conscience modifiée.

En pratique, pouvez-vous nous indiquer quelques grandes dimensions de particularités de l’hypnose chez cette population ?

La particularité c’est de chercher où elles sont quand elles sont absentes ( leur mémoire, le monde de tous leurs souvenirs ) pour leut apprendre à y retourner volontairement quand la réalité douloureuse les en fait sortir.Se remettre en lien avec les souvenirs, avec la mémoire, très précise dans son inscription sensorielle et affective, permet d’accéder à un matériel qui va permettre de voyager loin de l’ici et maintenant.
C’est aussi à partir de cette mémoire vivante que le thérapeute pourra restimuler chez la personne âgée une présence plus incarnée.

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